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Voie du thé 3 — L’expérience du bol de thé

Franck Armand pratiquant le chadō.

Se laver les mains

Les participants à la cérémonie du thé se lavent les mains avant d'entrer dans le pavillon.

Dans la pièce à thé, nous pouvons être amenés à toucher des objets fragiles et précieux — des soies par exemple. Avant d’entrer dans la pièce, il est donc essentiel d’avoir les mains parfaitement propres. Il peut se faire qu’à l’entrée de la pièce à thé se trouve un tsukubai, une vasque de pierre, pour se purifier les mains. Dans l’incertitude, rincez-les avant de vous rendre sur place, et prévoyez un mouchoir propre pour les essuyer si cela s’avère nécessaire.

Entrée dans la pièce à thé

Le mieux serait d’avoir les trois instruments indispensables : l’éventail, utilisé pour les saluts ; les kaishi, papiers sur lesquels le gâteau est déposé ; le kuromoji, pic avec lequel les gâteaux frais sont coupés et dégustés. Si la douceur est simplement un sucre traditionnel, le kuromoji est inutile.

Après avoir ouvert la porte, je salue, tout comme je le fais à l’entrée d’un zendō ou d’un dojo. Si cela est possible, je m’assois en seiza, je place l’éventail fermé devant moi et je salue en posant les mains à plat sur le sol.

  • Je me lève et j’entre dans la pièce avec le pied gauche.
  • Je vais observer le tokonoma — espace de la calligraphie et/ou du bouquet de fleurs — puis l’espace de pratique où la bouilloire est installée. Lorsque je rentre dans le tatami de pratique, je le fais par son extrémité ; je n’enjambe jamais la bordure qui le sépare du reste de la pièce.
  • Après ces observations, je vais m’asseoir.

Chacun fait cela à tour de rôle. La première personne à entrer dans l’espace sera le premier invité. Après le processus d’observation, elle rejoindra sa place près du tokonoma. La deuxième s’assiéra à sa gauche et ainsi de suite.

Accueil

Lorsque l’hôte entre dans la pièce, tout le monde se salue. C’est l’occasion de paroles d’accueil, d’échanges informels sur la saison, les fleurs que l’on a admirées en arrivant sur le lieu, etc. — et sur la calligraphie bien sûr. Le plat à gâteaux est apporté devant le premier invité. Celui-ci remercie en saluant et place le plat à proximité de son genou droit, à l’extérieur de la bordure du tatami sur lequel il est installé.

Préparation du bol

L’hôte entre avec le bol. Tout le monde salue. L’hôte se place devant la bouilloire et organise les objets autour de lui. Avant de commencer la pratique, de nouveau, tout le monde se salue.

Chacun, l’hôte et les invités, ajuste son assise pour pouvoir rester confortable sans devoir bouger. Comme pour un zazen !

La pratique débute en silence.

Si l’hôte ne donne pas d’indications en ce sens, nous nous servirons de gâteau au moment où il introduit le thé dans le bol. Pour se faire, je prends le plat et le place entre moi et l’invité qui est à ma gauche — toujours à l’extérieur de mon tatami. On se salue, je dis : « osaki ni » — je vous précède. Je reprends le plateau pour le placer devant moi. Je salue l’hôte en disant doucement : « itadakimasu » — je reçois. Là, seulement, je sors un kaishi — le papier pour poser le gâteau — et je me sers. Je place ensuite le plateau entre moi et l’invité suivant. Je mange le gâteau, plie le kaishi et le pose sur le côté. Les autres invités se servent de la même manière et mangent leur gâteau lorsqu’ils se sont servis. Le dernier invité place le plateau à sa gauche pour ne pas être gêné lorsqu’il ira chercher son bol.

L’hôte vient de préparer un bol de thé qu’il place à l’extérieur de son tatami de pratique.
L’hôte vient de préparer un bol de thé qu’il place à l’extérieur de son tatami de pratique

Aller chercher le bol

Lorsque le bol de thé est prêt et qu’il a été placé par l’hôte à l’extérieur de son tatami de pratique, je me lève pour aller le chercher. Je m’assois en seiza, je prends le bol de la main droite et le pose dans ma main gauche. Pendant cette action, je suis simplement présent à mes mouvements. Je ne cherche pas à remercier l’hôte. Dans le zen on ne fait qu’une chose à la fois pour la faire pleinement ! Se lever et se déplacer demande déjà beaucoup !!!

De retour à ma place, je m’assois et pose le bol devant moi, à l’extérieur de la bordure du tatami sur lequel je suis installé.

Boire le thé

  • J’adapte mon assise pour être confortable.
  • Je prends le bol que je place à l’intérieur du tatami, entre moi et mon voisin de droite — bien sûr je ne fais pas cette étape si je suis premier invité. On se salue et je dis : « oshōban itashimasu » — je bois avec vous.
  • Je prends le bol que je place entre moi et mon voisin de gauche. On se salue et je dis : « osaki ni » — je bois avant vous. Bien entendu, je ne fais pas cette étape si je suis dernier invité.
  • Je prends le bol que je place devant moi toujours à l’intérieur de mon tatami. Je salue — enfin !!! — mon hôte en le remerciant pour ce thé : « itadakimasu » ou, mieux, « otemae chōdai itashimasu ».
  • Je prends le bol, je le lève au niveau de mon visage pour remercier l’univers de me donner cette boisson.
  • Je tourne le bol de deux petites fois — deux fois un huitième de tour — dans le sens des aiguilles d’une montre pour amener la face avant vers la gauche. Je bois — enfin !!! — en trois ou quatre gorgées.
  • J’aspire délicatement les dernières gouttes afin de pouvoir ensuite observer le bol et le retourner sans risquer de verser du thé sur le sol. Il est de coutume de faire un léger bruit en aspirant.
  • Avec pouce/index de la main droite, j’essuie la lèvre du bol pour éliminer le liquide résiduel. J’essuie mes doigts sur le kaishi à gâteaux qui a été préalablement plié et posé à ma droite — il vaut mieux éviter de se mettre plein de sucre sur les doigts ou d’en mettre sur le tatami…
  • Je ramène la face avant du bol vers moi et le pose sur le tatami.
  • J’observe le bol : je regarde la forme générale ; je le retourne… tout cela en ne levant pas le bol au delà de 20 cm du sol — j’ai peut-être dans les mains un objets très précieux. Même si ce n’est pas le cas, cette attitude montre que je suis vigilant et attentif, que je ne suis pas compulsif dans mon exploration. Le plus simple consiste à garder ses coudes sur ses cuisses — cela limite automatiquement la hauteur. C’est l’occasion de poser des questions à l’hôte à propos du bol, du thé, des gâteaux… Pendant cette étape en effet, il est bienvenu d’avoir des échanges verbaux.
Une participante observe le bol après avoir bu le thé.
Lorsque j’observe le bol après avoir bu le thé, je le garde proche du sol

Rendre le bol

Je me lève. La face avant du bol est devant moi. Je me déplace comme pour aller le chercher et je vais le placer très exactement là où je l’ai pris, en prenant soin de tourner la face avant vers l’hôte. Je fais cela dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Je retourne m’asseoir.

Fin de la pratique

La fonction de l’hôte est de préparer des bols de thé. Tant qu’on ne lui dit pas d’arrêter, il continue…

Si je suis premier invité, c’est à moi de lui dire d’arrêter. Je valide au préalable avec les autres invités que personne ne souhaite un autre bol de thé — un regard suffit. Depuis le début de la pratique, j’ai constaté que l’hôte rinçait le bol entre chaque préparation. Et qu’ensuite il l’essuyait. Je le laisse donc rincer le bol et, avant qu’il ne l’essuie, je lui dit qu’il peut terminer : « dōzo oshimai kudasaimase ».

L’hôte nettoie et range les objets. En sortant, il salue. L’un après l’autre, les invités se lèvent, vont saluer une dernière fois le tokonoma et quittent la pièce à thé.

Quelques remarques importantes

  • On reste silencieux lorsque l’hôte fait la pratique. C’est l’occasion de plonger ensemble dans la méditation. C’est lorsque l’on boit, que l’on peut initier des échanges verbaux.
  • Dans la pratique, lorsque l’on manipule le bol, les deux mains n’ont pas la même fonction. On le prend de la main droite et on le pose dans la main gauche.
  • Il peut arriver qu’une aide de l’hôte vienne nous apporter le bol. Tout le processus pour boire reste le même. Après avoir bu, on place le bol là où il nous a été apporté en tournant la face avant vers l’extérieur, c’est à dire vers la personne qui va venir le chercher.
  • On peut se contenter de dire les expressions en français bien sûr. Devoir se rappeler rajoute une tension inutile au début.

Un conseil

Si vous n’avez jamais fait l’expérience d’une cérémonie du thé, ne vous préoccupez pas de tout cela. Il est important que la première expérience soit vierge de toute contrainte.

Si vous avez déjà eu une expérience de cérémonie du thé, relisez ce texte avec un surligneur afin de mieux intégrer les points qui vous paraissent essentiels. Ne soyez pas trop ambitieux ; commencez par intégrer la façon de boire le thé.

Soyez tenace !!! C’est au fil des expériences que vous allez explorer la fluidité et vivre l’harmonie.

Cet article, écrit par Franck Armand, est publié dans la Revue du Centre Zen de la Falaise Verte n°73.