La cérémonie du thé est arrivée au Japon à la fin du XIIe siècle, introduite par Eisai Zenji, un moine parti en Chine du sud suivre les enseignements du bouddhisme chán, qui deviendra plus tard le zen japonais. En Chine, le thé était déjà depuis plusieurs siècles considéré comme une boisson merveilleuse permettant aux moines une pratique prolongée de la méditation.
Eisai Zenji, rapporta donc au Japon les pratiques méditatives du chán, fonda l’école Rinzai du zen japonais et permit le développement de la pratique de la cérémonie du thé. Il avait pour cela intégré la connaissance du processus utilisé dans les monastères chinois ; il avait aussi rapporté des plants de thé ainsi que des objets utilisés dans la cérémonie du thé.
À l’époque où Eisai était allé en Chine, celle-ci était sous la dynastie des Song. La façon de boire le thé chez les Song, en particulier dans les monastères chán de Chine du sud, consistait à mettre en suspension dans de l’eau chaude des feuilles de thé séchées et finement réduites en poudre. Dans cette façon de préparer le thé, non seulement on obtient une partie d’infusion liée à la diffusion dans l’eau de certaines substances, mais également le goût de la feuille elle-même, de la poudre elle-même. C’est cet ensemble là que l’on déguste lorsque l’on prend un bol de matcha — littéralement « le vrai thé » — préparé dans le cadre d’une cérémonie du thé.
Suite à la période Song, la Chine va entrer dans une période trouble avec l’invasion Mongole. Les Mongols fondent la dynastie Yuan et éradiquent une grande partie de la culture des Song. La dynastie mongole est ensuite remplacée par une nouvelle dynastie chinoise, la dynastie Ming. Sous cette nouvelle dynastie, le thé est une infusion de feuilles ; celles-ci ne sont donc pas consommées. L’Occident étant entré en contact avec la Chine sous cette période-là, le thé auquel nous sommes habitués est ce thé d’infusion de feuilles que tout le monde connaît.
La cérémonie du thé basée sur le matcha va donc quasiment disparaître en Chine et continuer à évoluer sur le sol japonais. Elle va y jouer un rôle essentiel, à la fois social, culturel, politique et spirituel en particulier pendant la longue période de guerre civile que va connaître le Japon entre 1467 et 1600.
À l’origine, en Chine, la cérémonie du thé s’était développée sous de multiples influences spirituelles, surtout bouddhistes bien entendu mais aussi taoïstes et confucianistes.
Au Japon, cette pratique va s’enrichir de l’influence de l’animisme local, le shinto. Ainsi, avant d’entrer dans un pavillon de thé, l’invité, tout comme la personne qui se rend dans un sanctuaire shinto, va se laver les mains et se rincer la bouche en signe de purification.
Le Christianisme, très présent au Japon pendant le XVIe siècle, va aussi avoir un impact sur la pratique de la cérémonie du thé, même si les historiens débattent encore de l’importance de cette influence. Sen no Rikyū, le grand maître de thé de la fin du XVIe siècle, pourrait très bien avoir été lui-même chrétien. Il semble que certaines des règles de pratique de la cérémonie du thé précisément codifiée par Sen no Rikyū, telles le nettoyage du bol, pourraient avoir été inspirées de l’eucharistie chrétienne.
La cérémonie du thé a ainsi traversé les siècles, évoluant lentement à l’image du rythme qui la caractérise, intégrant l’influence de nombreuses traditions spirituelles. Au-delà d’une apparence qui en fait une pratique typique de la tradition culturelle japonaise, ces multiples influences spirituelles lui confèrent une universalité que l’on découvre peu à peu en cheminant.
Cet article, écrit par Franck Armand, est publié dans la Revue du Centre Zen de la Falaise Verte n°70.